lundi 28 mai 2018

ITE MISA TANGO EST

Il fallait que je la fasse ! Bon ! C’est un peu tiré par les cheveux, mais je n’ai pas trouvé mieux. Surtout, un peu mensongère, car il nous en reste encore une à chanter aux Abbesses.
Il faut d’abord expliquer aux moins de quarante ans que « ite misa est » signifie « la messe est dite »,ou terminée ! Il faudrait aussi remonter à Vatican II, pour expliquer aussi pourquoi on ne dit plus la messe en latin dans les églises. Mais là, je sens que je risque de perdre un certain nombre de mes lecteurs. Bref ! Revenons à notre concert de samedi à la rotonde de Moissy-Cramayel city. J’ai rajouté le « city » pour satisfaire à la mode de l’américanisation galopante de notre société. Donc, les « men in black » étaient de retour ! Vous voyez, hein ? Je fais des efforts pour rester encore dans la course ? C'est-à-dire que les hommes avaient retrouvé leur chemise noire et leur pantalon de deuil habituels. Le temps était lourd et menaçant, mais l’orage tant redouté est surtout venu des transports et non du ciel, sous la forme  d’un caddie en goguette qui s’était égaré sur les rails du RER. La panique a failli s’emparer de nos amis choristes parisiens. Heureusement, le Ciel, avec un « C » majuscule veillait sur nous. Et tous, sont arrivés à l’heure pour un premier échauffement, vers 16 heures. Là on a pris nos marques. On s’est jaugé, mesuré, croisé, testé, reconnu, reniflé, posté, examiné, dans les couloirs étroits des coulisses, avant cette répétition sous une chaleur infernale et le chuintement d’une climatisation qui donnait l’illusion qu’une pluie d’orage attaquait déjà notre bâtiment.
Jérôme a fait les derniers petits ajustements comme un mécanicien italien chevronné règle les culbuteurs d’une vieille Maserati essoufflée, c'est-à-dire, avec parfois force cris mais jurons transalpins en moins. Moi, qui ai toujours le regard éternel de l’évasion mentale, je remarque soudain, dans le haut des gradins, un vieux couple isolé avec un tout jeune gamin coincé entre eux, qui ne doit pas avoir plus de quatre ans. Et là, ravissement suprême, je vois ce bambin, le visage épanouit, nous applaudir avec un enthousiasme digne des plus grands aficionados de l’art lyrique. Et quand ses grands-parents l’ont tiré hors de la salle, son petit bras tendu, et son regard lumineux tentaient encore de grappiller quelques secondes de bonheur musical. Si je ne devais retirer qu’une seconde d’orgueil et de fierté de notre prestation, elle n’aurait que cette image là. Un futur passionné de bel canto venait sûrement de naître.
Ensuite, vint l’instant fatidique du concert. Bon ! Il faut avouer que la salle n’était pas à son comble ! Mais les amis et les familles étaient là.
Notre concert s’est divisé en deux « tableaux » comme on dit dans les milieux professionnels du spectacle. D’abord il y eut les « Djinns » suivis de « Cantar del Alma », avec un seul piano d’accompagnement.
Les « cris de l’enfer » ont crevé le plafond du théâtre ! D’affreuses bestioles ont fait un boucan du diable, avant de se barrer au loin. Nous, les hommes, on a failli exposer  nos fronts chauves, à défaut d’autre chose, sur un autel avec des encensoirs. Ici, je dois faire un aparté qui va sûrement en choquer beaucoup.  Dans un « coming out »  honteux et confus j’avoue que je ne comprends rien à la poésie. Mais alors là ? Rien ! Et ça, depuis tout petit ! Jamais aucun poème ne m’a fait vibrer, ne m’a jamais ému.
Je suis aussi sensible à la poésie qu’un moine tibétain devant une danseuse nue dans un cabaret érotique de Pigalle. C’est affreux, n’est-ce pas ?
Heureusement, un célèbre sketch de Coluche me fait penser que je ne dois pas être le seul.
« Amis de la poésie, bonsoir ! ».  Pardon au grand « Totor » alias Victor Hugo !
Ensuite vint le chant espagnol de Mompou. Très beau ! Que l’on connaît à peine, parce que peu répété ! Mais comme le dit notre chef : « Le public ne le sait pas, lui !  ».Il ne faut pourtant pas être dans une phase de déprime aigue pour écouter cette musique, sinon le taux de suicide va grimper d’une façon alarmante dans la population ! C’est beau ! Mais à consommer avec modération !
Ensuite, avec le deuxième tableau, le clou du spectacle : la Misa Tango ! On s’est bien éclaté, les gars..et les filles ! Très beau moment de cohésion musicale des chorales. Cela vaut le coup de ramer pendant des mois pour que l’art lyrique puisse nous donner tant de bonheur, et surtout, en donner au public. Dommage que trop peu de gens puissent en profiter.
La fin du concert nous réservait une triste nouvelle que nous connaissions déjà depuis un certain temps. Une trahison ! Que dis-je ? Une désertion en rase campagne ! Un lâche abandon de troupes malheureuses et désemparées ! D’ailleurs, cette nouvelle reçut l’accueil qu’elle méritait ; une bronca de désapprobation de la part du public et même parmi de nombreux choristes !
Notre vénéré, adulé, admiré, parfois « fayotté à outrance » ( pas de délation, s’il vous plaît !) enfin, bref ! Notre chef de chœur  et de « cœur » Jérôme nous quitte à la fin de la saison.
Oui !  C’est épouvantable ! Mais c’est ainsi ! Douze années de joies lyriques, de spectacles, de souvenirs joyeux se terminent. Un chapitre de notre vie de bénévoles heureux et chantant va se refermer. Mais je pense concocter à notre chef, en guise d’adieux, un ouvrage de ma composition. Mais chut !
Ah mais ? J’allais oublier ? On a encore un rendez-vous aux Abbesses le 17 juin !
Alors là ! On va en faire péter les vitraux de l’église ! Tant pis pour le patrimoine parisien !
A bientôt les amis choristes.

PS. Malheureusement, je n'ai ni sons ni images de notre beau concert. Espérons que certains ou certaines auront pensé à l'immortaliser avec leurs appareils, et qu'on pourra faire un album pour mettre sur le site.

Avec la courtoise complicité de Monique Baron et de Serge Cavanna qui m'ont fourni cette photo!
Magnifique!




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