Cela aurait dû bien se passer. Cela s’est bien passé !
Mais entre temps,…comment dire ? Ce fût « épique » !
Adjectif qui se rapporte à l’épopée, mot qui lui-même est un long poème racontant une histoire
« héroïque ». Pour ce qui est de la « poésie » et de
l’héroïsme, vous pouvez oublier ! « Nous partîmes huit choristes, et
par un prompt renfort… »
Ben, on était toujours huit à l’arrivée à Montmartre, dans le bus conduit par Marie. Mais dans quel état !
Ben, on était toujours huit à l’arrivée à Montmartre, dans le bus conduit par Marie. Mais dans quel état !
Que je vous narre l’aventure. Cette épopée a bien commencée
sur le parking de l’école du Noyer Perrot. Une espèce d’engin moderne
diabolique nommée GPS nous a envoyé sur l’autoroute du sud au lieu de passer
par la « A4 ». Bon ! Pourquoi pas ? Un dimanche ! Sur
l’autoroute ! Vers 13h00, il n’y a jamais personne ! Grave erreur de
naïfs ! A la hauteur d’Arcueil, l’aveugle et irresponsable petit boîtier
électronique nous envoie sur la bretelle de droite, vers le « pestiférique
est » (référence Coluche !) où
vient juste de se produire un accident. Je ne vous fais pas un dessin, vous
m’avez compris ! Près d’une demie heure d’embouteillage. Là, les nerfs
commencent à s’échauffer dangereusement. Mais nous arrivons quand même dans un Paris
très encombré. On contourne la Bastille, on prend Beaumarchais, on arrive à
République et on enquille Magenta ! Dire que la circulation n’est pas tout
à fait « fluide » serait un doux euphémisme que l’on aura pas l’imprudence
d’employer. Et là, dans un carrefour encombré, au niveau de la gare de l’est , un « ange gardien » nous apparaît ! Non ! Non ! Je ne plaisante pas ! D’accord, c’est un ange gardien de télévision ! Mais quand même ! Une petite boule blonde émerge de la portière d’une Austin Cooper qui nous arrive en face, pour nous contourner par la gauche ! Mimie Mathie ! Hurle le gynécée en folie,
à l’arrière du minibus. Celui-ci penche dangereusement du côté de la voiture de
l’artiste. Il faut dire que moi, à l’avant, avec Marie, je reste stoïque. Il me
faut bien avouer que les aventures télévisuelles de ce « rase
bitume » femelle ne m’ont jamais passionné. Chacun ses goûts ! Ah
mais ! Après les petits coucous
amicaux de la célèbre naine, on reprend notre voyage en diligence motorisée.
Arrivé au pied de la colline de Montmartre, notre petit guide informatique,
dans sa boite magique, nous indique un dernier virage vers notre destination.
Et là…Horreur ! Deux pandores, dans leur tenue de bal du dimanche, nous
font signe qu’aujourd’hui, la rue est réservée aux piétons et aux
cyclistes ! Voilà ! Voilà ! On leur serait bien passé dessus,
mais cela aurait entraîné des complications qui nous auraient retardées d’avantage. Bon ! On passe à la
rue suivante. Poum ! Même motif, même punition. Alors là, la panique nous
gagne. On décide de se jeter dans le premier parking en vue, et d’aviser
ensuite. On en trouve un, rue Custine. C’est vous dire si nous sommes
paumés ! Nous sommes exactement à l’opposée des Abbesses. En contournant
la célèbre colline, en cavalcade, moitié
smart phone à la main, moitié renseignements demandés auprès des commerçants du
coin, on arrive enfin à bon port, si j’ose dire. A ce moment du récit, je
me dois de faire une petite mise au point nécessaire. Quand nous avons le malheur de nous plaindre du blocage des
rues par la police, il nous est répondu, sur un ton rogne et peu amène
que ; « c’était précisé sur l’affichette du concert ! ».
Exact ! Mais en tout petit, comme dans les contrats de garantie de votre
réveil matin chinois. Et les deux adresses proposées sont quand même très
éloignées des Abbesses. Des esprits chagrins et pinailleurs pourraient nous
rétorquer que nous n’avions qu’à mieux préparer notre itinéraire. Moi, j’écris ça,
je n’écris rien ! Je ne suis qu’un vulgaire passager sans responsabilités.
Et c’est là que l’on constate avec amertume que les transports en commun ont du
bon, quand ils fonctionnent et qu’ils ne sont pas en grève, bien sûr ! Ca
c’est fait ! Donc, poursuivons notre… « Épopée ».
Avec ça, on a complètement raté notre répétition, vu notre
arrivée plus que tardive. Nous assistons, un peu honteux et confus, à celle de
la Misa Criolla. Ceci nous donne quand même le privilège rare d’entendre la
belle voix de Mathieu Sempéré. Ecrire que Jérôme nous accueille à bras ouverts
serait faire un gros mensonge. Son œil noir et son regard glacial nous font comprendre
que nos explications et nos plates excuses ne serviront strictement à rien pour
adoucir sa fureur rentrée. Vers seize heures, l’église se remplit des invités
et des spectateurs. Nous voyons arriver quelqu’un qui se place au premier rang,
avec toute sa cour, la deuxième vedette de la journée ! Et quelle
vedette ! Dans son beau et éternel costume bleu électrique ;
Michou ! Le pape indéboulonnable de la nuit montmartroise. Très
sympa ! Très abordable ! Tellement abordable qu’il me fait un signe
de la main pour que je vienne le voir ! Moi, tellement stupéfait, je me
retourne pour voir qui est l’heureux élu ? Ce ne peut pas être moi ? Il
ne m’a jamais vu ! Mais si ! Mais si ! C’est bien moi ! Je
comprends plus tard que Marie, l’incorrigible Marie, veut faire un
« selfie » avec Michou et qu’elle m’a désigné à lui comme LE photographe ! Je
m’exécute avec d’autant plus de bonne
grâce que j’ai déjà fait, à la sauvette, ma pêche miraculeuse de clichés
« pipolesques ». Ben quoi ? On peut avoir ses faiblesses de
midinette ! Non ? Surtout avec Michou.
Le concert débute après l’inévitable discours soporifique du
présentateur, directeur, animateur, cireur de toutes les pompes du ban et de
l’arrière ban de la commune, de la paroisse, des élus, de la chorale, de sa
belle-mère, du concierge portugais de son gendre qui est très méritant et qu’il
faut remercier par un bruyant brassage
de phalanges parfois très bagousés !
Pendant la Misa Criolla, il m’arrive une drôle
d’aventure ; une brave dame, aux cheveux couleur des neiges éternelles, m’aborde
pour me poser un tas de question sur la chorale, sur le concert, etc. Je lui
réponds poliment, comme je peux, et je
vais m’asseoir sur ce qui fut un banc de chapitre de religieux. Celui-ci,
adossé au mur, tient par l’opération du Saint Esprit (ce qui est normal dans
une église) mais qui possède une furieuse tendance à vouloir éjecter ses
passagers vers l’avant, tellement ses pieds sont fragiles. Et je ne vous cause
pas des grincements vengeurs du meuble en souffrance. Bref ! En examinant
le profil de mon interlocutrice précédente, je m’aperçois, avec stupeur que
cette femme est une ancienne collègue de travail dont j’avais perdu la trace
depuis….(secret défense). Je me fends
d’un culot que je ne connaissais pas d’habitude, et lui demande si nous n’avons
pas travaillé au même endroit ! Oh miracle ! Oh que si ! Nous
écourtons nos retrouvailles car c’est notre tour de chanter. Comme un manque de
pot n’arrive jamais seul, je dois faire mon entrée le premier, avec mon ami
Charles de l’autre côté du chœur de l’église. Nous sommes suivi par la cohorte
des choristes qui s’installent sur le praticable. Le moment solennel est
arrivé. Des mois de préparations, de répétitions et enfin le grand jour !
Mais ça va ! Pas trop peur ! Tout se déroule à merveille. Le kyrié,
le gloria, le credo, le sanctus, le benedictus…..
Arrive enfin le terrifiant et périlleux Agnus Dei !
Périlleux ? On peut dire ça ! On aborde la descente crépusculaire,
d’une douceur infinie ; « dona nobis pacem…. »Et là ?
Crac ! Petit bruit étrange venant de ma droite, des altos. Je remarque le
regard stupéfait de Jérôme qui se porte vers l’endroit du bruit insolite.
Malgré tout, notre chant se termine en beauté sous un tonnerre
d’applaudissements, comme on écrit dans les romans à deux balles. Mais c’est
pas tout ! Que vois-je de mes yeux ahuris, agrandis par la surprise et
l’étonnement ? Marie allongée par terre, au fond du praticable, et dont
quelques âmes charitables, parmi les altos sont en train de lui prodiguer les
premiers soins. Voyez comme la nature
humaine est cruelle et cynique. Au lieu d’avoir une instinctive et naturelle
compassion pour ma camarade dans la souffrance, il me vient soudain l’affreuse
pensée que c’est MOI qui vais être obligé de me farcir la conduite du
minibus ! Je sais ! Je suis un pourri ! J’ai honte ! Ma
femme me le dit tous les jours que je suis un « monstre
d’égoïsme » ! Mais là, je l’ai tout de suite très bien ressenti. Heureusement
il n’y a de chance que pour la crapule, comme me le disait ma grand-mère !
Marie s’est remise sur pied très vite.
Sûrement un classique malaise vagal dû au stress du voyage. Le spectacle s’est
bien terminé. Le public a été ravi et nous avons bien rempli notre contrat. Il
est très agréable de chanter avec plusieurs chorales, et l’harmonie des basses
a été parfaite. Mon ami Charles a été un « tuteur de tempo »
admirable pour un mécréant comme moi qui n’a aucun sens du rythme. Un dernier
petit événement sympathique nous attendait. Comme c’était l’anniversaire de
Michou, le chœur unanime a entamé un très émouvant « joyeux anniversaire
Michou ». Il faut dire qu’à 87 ans, notre artiste connu dans le monde
entier, a toujours « bon pied, bon
œil ». J’ai donc repris ma conversation avec ma collègue retrouvée. Et
nous avons « glosé » sur le miracle des rencontres fortuites en
espérant nous revoir un jour. Veux pieux
et non pas « vieux pneus » car la vie est souvent avare de ce genre
de surprise. Comme tout a une fin, nous nous égayons tous, en espérant
retrouver nos « calèches pétrolières ». Moi, très pragmatique, je
propose de refaire exactement le chemin inverse. C’est encore la meilleure
façon de ne pas se perdre. Comme nous sommes enfin détendus et assez satisfaits
de notre prestation, on va jouer les touristes sans complexes. Il est vrai que
le Sacré Cœur est majestueux dans cette fin d’après-midi ensoleillé. On arrive
au parking où nous attend la douloureuse ! Avec la prostitution et la
drogue, le stationnement en ville, est le troisième fléau mafieux frappant la population
citadine mondiale. Je pense que je ne vous apprends rien ? Sur le chemin
du retour, je subis alors un quatrième et dernier fléau, mais « auditif,
celui-là ! Mes chères compagnes de transports (mais pas de transports
amoureux. Je rassure les maris ou les compagnons), mes chères copines, m’ont
offert un concert de vieilles rengaines françaises chantées dans tous les repas
de noces de France et de Navarre, où l’alcool n’a pas toujours été bu avec
modération ! Le latin et les rythmes exotiques du tango ont vite été oubliés !
Moi, je vous dis !
La fibre patriotique a enfin repris le dessus. Et même
régionale grâce à un « ptit Quinquin » nordique de derrière les
fagots de notre chère Marie-Claude.
Cette belle journée a bien été une épopée joyeuse et amicale
où « tout est bien qui finit bien » comme on le disait autrefois pour
clore une belle histoire. Car c’est une belle histoire qui s’achève avec ce
concert. Celle de choristes amateurs, d’une petite ville de banlieue, portés
vers les sommets de l’art lyrique par un
chef de chœur talentueux et généreux, Jérôme Boudin-Clauzel.